L’ascension du Stelvio, en vélo de gravel

Il existe des noms qui font frémir le cœur des cyclistes, tel que le Stelvio. Le deuxième col le plus haut des Alpes s’élevant à 2758 m d’altitude. Si haut qu’il côtoie les étoiles, celles de ses stars qui le traversèrent. Fauso Coppi, Andy Hampsteen, Laurent Fignon, Thomas De Gendt ou Thibaut Pinot ont marqué la route de leur empreinte…

Le Stelvio, un col de légende, en vélo gravel

Les cols de légende sont définis par leur pente, leur longueur ou par la douleur qu’ils ont infligée aux hommes… Le Stelvio est l’un d’eux. Il me tardait de l’affronter. Après avoir roulé sur les pistes et chemin de l’Ardenne, je voulais connaître les vraies capacités du Graxx en montagne. Ce gravel pouvait-il se muer en pur-sang de course sur les pentes du Stelvio ? Un défi de taille pour l’Origine.

Graxx, gravel

Le km 0 se compte dès le centre historique de Bormio. La cité est au pied du géant. Dans les ruelles, les trattoria et autres plaisirs représentent cette Dolce Vita, alors que la haut sur le Stelvio, le monde est minéral et lourd de symboles.

Ce col improbable fut dessiné par l’ingénieur Carlo Donegani afin que les troupes italiennes puissent rejoindre les crêtes du Stelvio. Le travail était titanesque : 2500 hommes vinrent à bout des 70 virages en épingles à cheveux. L’ouvrage a transformé l’environnement alpin et sauvage en un espace artificiel, trouant la montagne de tunnels et taillant la route sur des parois vertigineuses. Cette route amena la guerre là-haut, entre 2000 m et 3000 mètres d’altitude. De 1915 à 1918, une lutte impitoyable verra deux peuples frères et montagnards, Italiens du Trentin et Autrichiens du Tyrol, s’entredéchirer. Puis le col tomba d’ans l’oubli. 

L’après-guerre vit le Giro d’Italia sillonner toute l’Italie. La course cycliste rassembla une Italie fracturée après la période noire du fascisme. Place au sport et aux grandes échappées !

L’organisateur Toriani a inscrit dans sa liste des difficultés le col du Stelvio : ce sera pour l’année 1953. Cet ancien champ de bataille entre les Italiens et les Austro-Hongrois va connaître une autre histoire, courageuse mais forcément plus belle. Le premier à inscrire son nom fut le roi Fausto Coppi qui infligea un écart de 3 minutes au Suisse Koblet. « Dans les tout derniers lacets, je pensais que j’allais mourir », révéla le Campionissimo.

Ascension en gravel

Le Graxx, un gravel bike, à l’assaut des pentes italiennes


Le Graxx m’accompagne sur les pentes du col légendaire : je quitte Bormio via la route qui grimpe de suite. L’Origine va-t-il confirmer ses capacités de grimpeur que j’avais ressenties lors des précédentes sorties ? Je vais pousser le Graxx dans un domaine qui également le sien, la route. Et tant pis s’il a de gros pneus et tant pis s’il se contente d’un simple plateau. Il n’en a cure, c’est à son cycliste de se transformer en coursier. J’abandonne mon short et ample T-shirt. Place à un cuissard et à un maillot saillant pour ressembler quelque peu à un coureur. 

Dans les premières rampes longeant le flanc de la montagne, les difficultés vont crescendo. La route mène au bout de la vallée où se présente une paroi que la route va franchir. Le serpent d’asphalte se présente face à moi : une seule règle, ne pas passer dans le rouge. 

Je pousse sur les pédales, ne fais plus qu’un avec mon vélo. J’éprouve cette sensation agréable de ressentir immédiatement le dynamisme du cadre en carbone. Et curieusement, il restitue l’énergie, un peu comme ses cadres aciers que j’ai tant aimés. Le Graxx a dans ses gènes la puissance et la force des meilleurs vélos de course.

Stelvio en gravel

Le gradin franchi, une grande et belle vallée d’altitude se dévoile. Je vois les anciennes casemates et bergeries et contemple le ruisseau sinuant dans l’alpage. L’ascension vaut la peine d’être vécue…

Dans la dernière pente, c’est le soulagement de se laisser guider par les lacets rigoureusement géométriques. A la fin, je m’élève, les poumons grands ouverts comme les ailes d’un oiseau qui voudrait s’élever encore plus haut. Mais je ne suis que terrien. Mon ciel à moi, mon sommet ultime, ce sera le Stelvio.

Après la ligne matérialisant le sommet, je vois ma récompense : des restos à profusion, des échoppes dignes de ces foires du Nord où se mêlent des odeurs de cuissons et de hamburger. J’apprécie ce moment incongru à 2758 m d’altitude en savourant goulûment un des frites à la mayonnaise !

Sommet du Stelvio

La fin de la journée approche. En montagne, l’empreinte de l’homme est temporaire. La cacophonie des moteurs des motos et des voitures de collection disparaissent au couchant. J’aime me retrouver seul, dans cette montagne où l’harmonie et la tranquillité règnent. Je glisse dans la descente avec mon Graxx en silence, excepté le bruit rassurant du moyeu Straight Pull. Il faut maîtriser le transfert du corps dans les virages et des mouvements du vélo. J’accélère et le Graxx tient le cap, toujours. L’Origine est d’une stabilité de roi. L’avant ne guidonne pas et le vent ne me prend pas en traître.

Je pédale à un rythme qui focalise ma pensée. Le tempo est régi par mon souffle, régulier. Je hume cet air frais, mes poumons s’enivrent d’un bonheur simple, celui de rouler libre.

En quelques minutes, j’aurai rejoint le monde d’en bas, heureux d’avoir vécu cette expérience mythique, celle d’avoir rejoint une légende du cyclisme.

Récit de :

Pierre Pauquay

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