Le Chili est un pays singulier par la variété de sa géographie et de ses climats. Entre la région désertique du Nord du pays, le centre et ses cultures sylvicoles et le sud avec les nombreux lacs de la Patagonie, c’est une destination prisée des bikepackers et des cyclovoyageurs. Across Andes (http://acrossandes.cc) est la première course d’ultracyclisme du pays. Elle est organisée par deux vétérans du BikingMan : Paulina Pinto et Mariano Lopez qui s’étaient alignés sur l’IncaDivide en 2019.
Direction la région de l’Araucanie
Le village de départ d’Across Andes se situe dans le village paisible de Melipeuco à 670 kilomètres de Santiago, la capitale du Chili. Le centre de loisir « Los Pioneros » permet de patienter avant le départ de la course dans un cadre idyllique de carte postale. Le volcan LLaima, ses pentes enneigées et les cascades environnantes nous plongent dans l’ambiance immédiatement.
Nous sommes 95 aventuriers au départ (dont 15 femmes) avec une grande majorité de chiliens. Je retrouve quelques visages familiers avec notamment Vinicius Martins (finisher de la TCR et directeur de course du BikingMan Brésil), Rodrigo Rojo (participant de l’IncaDivide 2019), Ignacio Pellejero (co-organisateur de la TransEcuador).
La première journée annonce la couleur rapidement ! La course se veut résolument « gravel » avec environ 500 km d’asphalte et 500 km de gravel. J’ai un souvenir impérissable des pistes chiliennes pour avoir traversé à deux reprises le pays en 2015 et 2017. En deux mots : elles sont exigeantes (éprouvantes) et les pourcentages sont souvent à deux chiffres.
Crédit Photo : David Styv – BikingMan
Le parc national de Conguillío
C’est l’attrait numéro 1 de l’épreuve : pouvoir explorer une petite partie de la mythique Cordillère des Andes tout en longeant sur quelques kilomètres, l’océan pacifique. Dès le départ, j’en garde sous la pédale et joue la carte de la prudence. Les traces de ma participation au BikingMan du Brésil un mois plus tôt se sentent encore. J’ai eu la chance de passer quelques jours en altitude dans le Nord du Chili mais le défi s’annonce de taille tant les pistes me secouent. Équipés de pneus en 40 mm tubeless, je ne regrette pas mon choix quand je vois le nombre de VTT semi-rigides engagés au départ !
L’objectif de la première journée est de naviguer autour du parc national Conguillío et du volcan Llaima dans une ambiance forestière exceptionnelle avec notamment les nombreux Araucarias, les arbres endémiques de la région qui ont une forme si singulière. Les ravitaillements sont rares (solide et liquide) et je me fais surprendre à me retrouver sans une goutte d’eau. Les variations de températures mettent à rude épreuve le corps : au soleil il peut faire plus de 30 degrés. Dès que le vent se lève, il est glacial et il est impératif de se rhabiller aussitôt. J’atteins le point de contrôle numéro 1 après le village de Cunco à 253 kilomètres du départ, le visage noir de toute la poussière accumulée durant la journée mais heureux de retrouver les compagnons de route autour d’un repas.
Entre lacs et volcans de la Cordillère des Andes
Après quelques heures de repos au point de contrôle n°1, je débute la deuxième journée à 3h30 du matin frigorifié. Le choix d’échanger, juste avant le départ de la course, ma tenue de pluie contre ma tenue hivernale (doudoune de montagne), a été providentiel. La suite du parcours longe les lacs de Colico et Caburgua que je découvre à l’aube. Quelques fautes d’inattention sur les pistes m’envoient au tapis pour mieux me réveiller avant le lever du soleil.
Pablo, un argentin avec une carrure de golgoth, me rattrape avec son VTT semi-rigide et nous échangeons quelques regards de sympathie et surtout il me parle de son pays. Malgré les forêts environnantes qui sont de véritables labyrinthes de l’esprit, l’Argentine n’est qu’à quelques kilomètres. Les lacs s’enchaînent sans se ressembler : Villarrica et son volcan culminent à 2 861m, Calafquén et Neltume. Je rejoins le point de contrôle n°2 au village de Huilo Huilo puis ravitaille dans un délicieux restaurant tenu par un belge ! La mousse qu’il me sert me permet de repartir pour pousser jusqu’à la nuit afin de rejoindre le village de Panguipulli où j’avais été hébergé chez les « Bomberos » (pompiers en espagnol) lors de ma traversée du continent en 2015. Autre époque, autre vélo, cette fois c’est au bout de 335 km parcourus contre 62 km en novembre 2015 que je rallie Panguipulli.
De la Cordillère des Andes à la côte pacifique
4h20, je croise l’américaine Ashley Carelock (1ère féminine de l’année précédente qui finira par abandonner suite à la morsure d’un chien) dans une station-service où nous partageons un café. Les chiliens observent nos visages fatigués et rient de nous croiser à une heure si matinale sur nos chevaux de fer. Une violente chute de la veille m’a laissé une contracture dans le quadriceps droit et la course change de visage. La douleur répétitive me ponce lentement l’esprit et l’arrivée sur l’océan Atlantique me fait un bien fou : la magie inexplicable des embruns marins.
Au village de Mehuín (km 768), l’organisation a positionné un point de contrôle au sommet d’un pétard de 16% qui se mérite. Avec une superbe vue directe sur l’océan, je suis heureux d’apprendre que 90 aventuriers sont derrière moi et qu’un « top 10 » est envisageable. Au 3ème jour de course, comme souvent sur les épreuves d’ultradistance, les dés sont jetés car la fatigue accumulée ne permet pas de faire des miracles. Les pistes qui s’enchaînent sont des routes secondaires non asphaltées et très empruntées par les 4×4 et camions des chiliens qui vivent de l’exploitation des ressources de la région. Pour le gravel, les milliers de vibrations et chocs commencent à se transformer en calvaire tant les pistes sont défoncées.
Devant, « coup de Trafalgar », le duo qui était en tête depuis le départ de la course abandonne ! L’un des coureurs a le genou qui fait la taille d’un ballon de football à cause d’une tendinite carabinée et finit par jeter l’éponge. Le soleil cogne et le vent claque. Aucun cycliste à l’horizon l’après-midi et je ralentis pour tenter de reposer ma jambe blessée. En fin de journée, pour quitter la côte et rejoindre Temuco, deux ascensions gravel redoutables se dressent devant. Sans eau ni ravitos, je tape à la porte d’un fermier qui m’offre du fromage frais avec une tranche de pain « maison » mais le plus cocasse de l’affaire est le « shaker » de protéines Whey qu’il me recommande d’emporter pour arriver au bout des deux cols qu’il connaît par cœur.
Dans la pénombre je grimpe au rythme d’un escargot en tentant, pour l’honneur, de ne pas mettre pied à terre. Je rejoins le village de Lastarria tard dans la nuit. Les « tiendas » (superettes locales) ont toutes leur rideau baissé et je me retrouve une nouvelle fois sans nourriture, affamé. Je m’enroule dans ma couverture de survie sous un abri bus pour me réchauffer puis décide de tenter de frapper chez les pompiers qui dorment à poings fermés.
En roue libre jusqu’à la ligne d’arrivée
C’est frigorifié à 4h00 du matin que je prends la direction de Villarrica. Je zigzag et peine à avancer avec ma jambe droite éteinte. Juana, la propriétaire de la supérette qui m’accueille sur Villarrica sauve ma course en m’offrant de la nourriture chaude et un café. Elle me donne surtout son sourire et son énergie, elle qui est heureuse d’apprendre qu’un français passe par sa ville pour explorer le Chili à vélo. Les minutes s’écoulent et paraissent des heures. Le temps s’arrête et je me délecte de ce moment de vie en compagnie de Juana.
Les derniers 100 kilomètres sont souvent les plus difficiles. Tomas Baeza, mon concurrent chilien est proche. Il a fait le bon choix en dormant au chaud sur Villarrica la veille pendant que je tentais d’attraper quelques minutes précieuses de sommeil, congelé dans ma couverture de survie. Il semble en forme le matin quand il me passe et je le remercie de ses encouragements chaleureux alors qu’il me sait au « fond du trou ». Je lève les yeux sur les 40 derniers kilomètres pour profiter de l’accueil que les contreforts de la Cordillère des Andes m’offre avant le village de Melipeuco.
Les volontaires, Mariano et Paulina mais aussi et surtout Didier, David et Cédric qui m’ont suivi pour rapporter des images de la course, m’accueillent chaleureusement sur la ligne d’arrivée. Après une bonne mousse, quelques sourires et anecdotes échangés, je peux enfin fermer les yeux pour revivre ce voyage dans la région de l’Araucanie.
Revivez l’Across Andes en vidéo
Récit par : Axel Carion
Crédit Photo : David Styv – BikingMan
L’itinéraire
- 🗺️ Distance : 1 000 km
- ⛰️ Dénivelé : 15 000 m D+
- ⏱️ Temps : 4 jours
- 📍 Lieu de départ : Melipeuco, Chili
- 🏁 Lieu d’arrivée : Melipeuco, Chili
Le vélo d’Axel
Pour cette épreuve Across Andes, Axel a utilisé un Graxx, groupe GRX sub-compact 48/31 avec cassette de 11/42, équipé de roues Prymahl Vega C35 Pro Dynamo, pneus Schwalbe G-One All-Round 40mm tubeless, sacoches de cadre et de selle Ortlieb.
Le Graxx a été étudié pour le confort. Il vous aidera à enchainer les kilomètres, et ses nombreuses possibilités de portage aideront les baroudeurs à toujours partir bien équipé.