Du rêve à la réalité
Quelques chiffres pour commencer à peindre le tableau :
- 6000 km
- 30 jours / 30 étapes
- 200 km par jours environ
- 130 km pour la sortie la plus courte
- 254 pour la plus longue
- 300 km uniquement pour rallier les hôtels et les départs journaliers.
- 35000 d+
Le tour complet de l’hexagone dans le sens anti-horaire, Normandie, Bretagne, Façade Atlantique, Pyrénées, Sud-Est, Alpes, Jura, Vosges, Grand Est, Pas-de-Calais, Normandie, Ile-de-France.
Après un regard d’une fraction de seconde avec ma femme et la décision de se lancer dans cette douce folie, huit mois d’une préparation millimétrée, huit mois à penser, manger, dormir Born To Ride, analyser tout les cas non-conformes, réduire les incertitudes au maximum, gérer la logistique, guérir d’une déchirure de 12 cm du jumeau interne, se préparer physiquement, mentalement, grâce à des techniques d’optimisation du potentiel, je n’étais pas prêt ! J’ étais en état de grâce.
En ce matin du 05 juin 2021, j’ai enfourché mon Axxome GTR Evo Ultra, clipsé mes pédales, embrassé ma femme, ma petite fille, puis je me suis enfoncé sans bruit et sous une pluie fine dans la pénombre matinale. J’ai immédiatement donné rendez-vous au panneau Vézelay, le 04 Juillet.
La première partie fut d’une douceur insolente, remonter jusqu’à la mer en Normandie, les plages du débarquements, le Mont Saint – Michel (mon plus beau souvenir), Deauville. La Bretagne tout sauf plate, la cote Atlantique, les Landes et ses interminables lignes droites, des moyennes journalières à plus de 30 km/h, le souvenir inoubliable de cette arrivée à Hossegor pour fêter le 2000ème kilomètres. Dernier jour de calme avant la montagne.
Je suis un passionné viscéral, surtout pas un professionnel, comment allais-je pouvoir enchainer ce qui m’attendait ?
De quoi s’en faire une montagne
J’ai tourné mes roues à gauche, dis au revoir à l’océan, et le bitume s’est cabré.
Aubisque, Tourmalet, Peyresourde, Mente, Portet d’ aspet, Hourquette, Pailheres, Jau, Força Real et j’en oublie.
Les Pyrénées sont grandioses, majestueuses, impressionnantes. Le sommeil a été dur à trouver chaque soir en imaginant le profil de l’étape du lendemain.
Une roue devant l’autre, avec beaucoup d’humilité, de légèreté, j’ai dédramatisé chaque panneau kilométrique affichant le pourcentage et la distance restante. Je n’ai pas souffert des Pyrénées, physiquement, bien entendu c’était difficile. Je veux dire qu’elles ne m’ont pas usé, essoré, écœuré. Il arrive en longue distance le moment que j’appelle personnellement la bascule. C’est le moment exact ou le corps ne fera pas plus mal, la douleur dans les jambes ne sera pas pire, et surtout, c’est à ce moment précis que la tête prend le relais.
Ce que la tête veut, le corps peut
Le temps d’un peu de repos sur les étapes du Sud-Est que déjà les Alpes se sont présentées. Même approche, même légèreté, même humilité. La tache n’était pas simple.
Bonnette, Vars, Izoard, Lautaret, Galibier, Télégraphe, Iseran, Cormet de Roseland, Planche des belles filles, Glières. Rien que de l’ écrire j’en ris nerveusement.
L’étape de l’Iseran a été ma seule demi-journée vraiment compliquée. Les jambes ne tournaient pas, le cœur ne montait pas, l’altitude me rendait nauséeux. Sur une étape ordinaire, on laisse passer l’orage. Sur la 2ème plus haute route d’Europe, le dialogue interne est important. Se focaliser sur tout et n’importe quoi, sauf sur son ressenti et sa vitesse. Tout à gauche, virage après virage, avec calme j’ai gagné le sommet.
Je me suis vêtu de ma doudoune, j’ai dégusté une tarte aux myrtilles, assis dans ce petit restaurant d’altitude.
Ce passage marque l’endroit exact où j’ai su que plus rien ne pouvait m’arriver.
J’ai basculé dans les 50 kilomètres de descente dans une douce euphorie.
L’après-midi je volais dans le Cormet de Roseland sur le gros plateau ! Le corps est un outil tellement remarquable.
L’ enfer du Nord
La 25eme étape m’a particulièrement marqué, à bien des égards. 254 kilomètres de Laon à Roubaix, 23 secteurs pavés, passage à l’usine Origine, arrivée au vélodrome et douche dans les mythiques douches du vélodrome, tu parles d’une journée.
Il faut avoir, une fois dans sa vie, fait une entrée à bloc dans la trouée d’Arenberg.
Chaque centimètre est un mur, le pavé est vicieux, abordé trop lentement, ça tape tellement que vos dents peuvent se casser si vous crispez les machoires. Reste la solution de passer vite, mais là ce sont vos yeux qui n’arrivent plus à se focaliser sur l’horizon.
Il convient d’être un peu lourd, de ne pas serrer trop fort le cintre, mettre du braquet pour ne pas rebondir. Le pavé est une science, il convient de le comprendre pour ne pas tout casser, surtout sous la pluie. Au sortir de la trouée d’Arenberg, après avoir contrôlé que tout était encore accroché à mon corps, je me suis dirigé vers l’ usine Origine distante de 10 kilomètres.
Accueil de star, tout le monde est là, je suis fier à la fois d’être là, est tellement reconnaissant. Tout le monde s’affaire autour de ma machine comme dans une écurie de F1 pour voir ce que cette ballade de 5000 bornes a eu comme impact sur mon bel Axxome GTR Evo Ultra.
Mon vélo est emmené, il me sera rendu plus tard, propre et révisé. Je discute avec Remi le boss ultra – passionné et tellement à l’écoute. J’improvise un petit discours de remerciement devant l’équipe parce qu’avec seulement une crevaison en 6000 bornes, je leur dois bien quelques merci. Mon vélo est juste parfait et surtout n’a pas été épargné.
Visite de l’usine où je ne vous raconte même pas le savoir faire des techniciens et le soin apporté a chaque machines, et ce, quel que soit le prix, je suis comme un gosse.
Il se fait tard, je voudrais tellement rester encore, mais le voyage est encore long.
Le voyage dure encore 1000 kilomètres. 1000 kilomètres que j’aurais voulu prolonger pour toujours, puis à bien y réfléchir, pour qu’une aventure soit exceptionnelle, il faut qu’elle ait un début, mais aussi une fin.
Remonter la France plein Nord, par l’enfer, visiter l’endroit où a été fabriqué mon bolide, pouvoir mettre des visages sur des noms ou des voix. Se rapprocher irrémédiablement du dénouement, fermer les yeux et déjà parler de cette tranche de vie au passé. Quelque chose me dit que la prochaine n’est pas loin.
J’ai franchi le panneau Vézelay le 04 Juillet vers 16 h, ma femme et ma fille étaient là, j’ai déclipsé mes cales, nous nous sommes serrés dans les bras, nous avons pleurés, et l’ instant d’après… c’était fini.
Dans cette aventure, je suis l’égoïste. Je suis reconnaissant de Luc Royer le metteur en scène de cette folie, sans lui, je n’aurais pas eu le cran. Je suis reconnaissant de ma femme, le meilleur directeur sportif du monde. Des soirées entières à me réserver des hôtels et airbnb au plus près des départs, à repérer les car-wash sur ma route pour laver mon vélo. Sans elle, pas d’aventure ! Je suis reconnaissant de la patience de mes enfants en âge de se faire du souci pour leur papa. Reconnaissant de tous les gens présents du premier au dernier jour, pour une minute, un kilomètre, ou 6 000. Sans vous tous, aucun souvenir !
Récit par : Denis MORINO
Le vélo de Denis
Pour ce Born to Ride Tour de 6 000 km, Denis a utilisé un Axxome GTR Evo Ultra, équipé d’un groupe Shimano Ultegra et de roues Prymahl Orion C50 Pro Disc. Performant et léger, il est compatible avec des pneus jusqu’à 32mm. Le poste de pilotage est également légèrement plus relevé, idéal pour la longue distance.