Parcourir la légendaire ligne de partage des eaux d’Amérique du Nord, sans assistance, en un peu plus de deux semaines : c’est l’exploit accompli par notre ambassadeur Sébastien Mieze sur le mythique Tour Divide, au guidon de son Théorème GTR. De Banff, au Canada, jusqu’à Antelope Wells à la frontière mexicaine, il a avalé près de 4 400 km et plus de 50 000 mètres de dénivelé, affrontant les longues pistes gravel, les passages alpins exigeants et l’imprévisibilité des conditions extrêmes. En 16 jours, il signe une performance remarquable.
Découvrez son carnet de route et ses impressions pendant son long périple américain.
Présentation et mise en place du projet Tour Divide
Je m’appelle Sébastien, j’ai 40 ans et je suis papa de deux filles, Alixe (5 ans) et Salomé (9 ans). Séparé depuis trois ans et demi, je partage leur garde en alternance, une semaine sur deux.
Mon parcours sportif a commencé avec 20 années de football, jusqu’à la blessure classique au genou qui m’a conduit à plusieurs opérations. En 2010, je me tourne alors vers le vélo et le triathlon. Après six saisons, les douleurs à la course à pied deviennent trop présentes et je décide de concentrer ma pratique sur le vélo. J’explore différentes disciplines : VTT, route, contre-la-montre, beach race dans le nord de la France et en Belgique, mais aussi le raid aventure. J’aime varier les plaisirs, ce qui m’amène même au bikepacking, avec notamment la French Divide réalisée en 2019, en « off » et en « reverse ».
En 2024, l’année de mes 40 ans, l’idée d’un grand défi s’impose à moi : pourquoi attendre davantage ? Je décide alors de me lancer dans la préparation du Tour Divide. Dorothée me soutient dans ce projet, et je me plonge dans l’organisation logistique, physique et mentale.
Dès le 1er janvier 2025, les kilomètres s’enchaînent. Les beach races me permettent de retrouver du rythme assez tôt dans la saison. Je participe à un gravel de 300 km, qui se déroule parfaitement, puis à un 500 km en Belgique sous une chaleur écrasante. Celui-ci se termine malheureusement par un DNF en raison de problèmes gastriques, mais peu importe : les kilomètres sont là, la forme aussi, et la motivation plus que jamais intacte !

Mon vélo pour le Tour Divide
- Cadre : Origine Theoreme GTR
- Fourche : Rock Shox Sid SL Ultimate Race Day 100 mm
- Transmission : Sram XX1 AXS plateau 36 dents et cassette 10-52
- Freins : Shimano XTR
- Roues : Northwheels – Moyeu avant Hope pro 5- Moyeu arrière SON 28
- Eclairage : Lumières K-lite
- Bagagerie : Tailfin
Sébastien a choisi le Théorème GTR pour son équilibre idéal entre légèreté, réactivité et confort, des qualités essentielles pour enchaîner des milliers de kilomètres sur des terrains aussi variés que redoutables.

Récit de course : un Français sur l’une des courses de bikepacking les plus exigeantes au monde
Prologue : envol vers l’inconnu
8 juin, 7h30. Le départ s’effectue depuis Coquelles, direction Roissy. Dorothé ma compagne me conduit, mon Théorème Hardtail repose dans son carton. Première montée de stress : l’enregistrement à l’aéroport. L’avion a une heure de retard, comme un signe avant-coureur.
À l’arrivée à Calgary, 26°. Le vélo a survécu au transport. Soulagement immédiat : les pièces sont intactes, le remontage peut commencer. Trente kilomètres plus loin, l’hôtel, la fatigue, et la volonté de tenir éveillé pour s’acclimater au décalage horaire. Première nuit agitée, réveil à 0h40.
Le lendemain, exploration de Calgary à vélo. La ville est immense, son centre étonnamment réduit. Découverte d’un stade de rodéo, d’un Walmart. Courses, préparation minutieuse du matériel. L’esprit est déjà tourné vers l’aventure.
Mais le 10 juin, à 3h du matin, l’hôtel retentit d’une alarme incendie. Vapeur, pompiers, évacuation. Simple fuite d’eau chaude, mais montée d’adrénaline. Les jours suivants, cap vers Banff. Premiers kilomètres de rodage, premières rencontres : Even, un Néo-Zélandais décidé à boucler en 16 jours ; Chris, un Anglais qui s’offre 50 jours de voyage. Deux visions opposées d’un même défi.
13 juin : le grand départ après un an d’attente.
Le 13 juin, à 7h15, la troisième vague s’élance de Banff. Objectif : rallier Fernie, 257 kilomètres plus loin. Les paysages coupent le souffle : lacs turquoise, forêts infinies, singletracks techniques aux virages relevés. « Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau ». Mais déjà un premier imprévu : perte des plaquettes arrière. Dans la montée de Coco, un jeu neuf est installé à la hâte. La mécanique tient, la confiance aussi. Arrivée à Fernie à 23h, dans la zone de confort. Première victoire.

Entre euphorie et épuisement
Les jours suivants s’enchaînent comme un long ballet d’efforts et de récompenses.
Réveils glacials à 4h du matin, parfois sous zéro. Hydratation surveillée, alimentation de fortune : chips, burritos, barres de cacahuètes. Nuits courtes, souvent en tente, parfois en hôtel, rarement sereines.
Mais chaque jour offre son lot de beauté : descentes interminables le long de rivières furieuses, déserts rouges balayés par le vent, forêts denses où plane l’ombre des ours. À Eureka, rencontre inattendue avec une concurrente épuisée. La nuit tombe, un ours surgit dans la pénombre. Fuite précipitée, montée des tentes en hâte, provisions suspendues aux arbres. Endormissement instantané.
La progression se fait au rythme des rencontres : Steeve et Jennee, Américains généreux offrant un sandwich, de l’eau et un toit à Helena. Guillaume, jeune Belge parti en mode touring. Alex, providentiel compagnon sous 47° à Grand, quand le corps menace de lâcher. Anna, cycliste rattrapée après deux jours d’avance. Des visages qui donnent au Tour Divide une dimension humaine autant que sportive.

Colorado : entre ciel et poussière
Les Rocheuses offrent leur lot d’épreuves. Les cols à plus de 3 000 mètres, l’oxygène qui se raréfie, les orages soudains. Le Marshall Pass, la traversée du Rio Grande, la montée interminable d’Indian Pass. Les jambes tiennent, le mental fluctue, mais la machine avance.
À Del Norte, une cabane de chasse sert de refuge. Pas d’eau, une chasse d’eau unique. Mais un gâteau maison à la cannelle. Comme souvent, la rudesse laisse place à la tendresse inattendue.
Plus loin, au Nouveau-Mexique, débute l’expérience des CDT : chemins de randonnée convertis en sentiers de VTT. Singles étroits, usants, parfois jubilatoires, parfois désespérants. Le soleil tape, la chaleur dépasse les 51°. À Cuba, après 200 kilomètres de plaine, la chaleur écrase tout. Malaise évité de peu, sauvé par l’ombre d’une rambarde et l’aide d’Alex.

Le désert, la transe
21 juin. La traversée du Grand Bassin s’annonce : 270 kilomètres de désert, un seul point de ravitaillement. Vent favorable, heureusement. Le silence est total, le vide hypnotique.
À Atlantic City, hameau perdu, une halte permet de reprendre souffle. Plus loin, un motel miteux devient refuge. À ce stade, le confort importe peu : seul compte le repos.

Derniers efforts, dernières fulgurances
La fin se rapproche, mais les kilomètres restent impitoyables. Réveils à 3h30, départs dans la nuit glaciale, étapes de 250 kilomètres avalées avec régularité. Le corps souffre, mais il obéit. Les paysages se succèdent : montagnes ocre dignes d’un western, vallées verdoyantes, étendues arides.
Les repas se réduisent à l’essentiel : burritos, cookies, café. Chaque station-service devient une oasis. Chaque rencontre, une bouffée d’énergie.

Épilogue : plus qu’une course, une quête
Le Tour Divide n’est pas une simple compétition. C’est une traversée de soi. « Je suis en phase avec moi-même, avec ce projet », écrivait-il dès Banff.
Des Rocheuses au désert du Nouveau-Mexique, des moustiques du Montana aux forêts canadiennes, ce périple est à la fois performance sportive, voyage intérieur et ode à la rencontre.
Au bout de 4 403 kilomètres, il reste l’essentiel : le sentiment d’avoir vécu pleinement. Et la certitude que le vélo est bien plus qu’un moyen de transport : une manière de voir le monde autrement.

Mon Tour Divide en quelques chiffres
> 4 403 km parcourus
> 54 612 m de dénivelé positif
> 248h30 en mouvement
> 16 km/h de moyenne
> 256,5 km/jour