Finestre-Assietta-Parpaillon, trilogie en gravel majeur

Finestre, strada dell’Assietta, Parpaillon : certains noms ont une résonance particulière tant ils sont associés à des images et des récits qui les élèvent au rang de mythe.

 Il m’aura fallu attendre d’avoir franchi le cap de la cinquantaine pour voir se réaliser un rêve de gosse que j’ai longtemps cru inaccessible. Ce week-end des 8 et 9 juillet 2023 s’installe sur le podium de mes plus beaux souvenirs à vélo aux côté de ma découverte de la Bonette en 1998 et du Born To Ride 2017 des Monts. Répondant à l’invitation de mon ami Dominique Grégoire du Team Cyclosportissimo, je me suis rendu à Embrun où j’ai retrouvé Jean-Yves Couput puis David Fournel pour 2 journées de rêve.

Finestre, Assietta : sterrato autentico

Samedi matin nous prenons la direction de l’Italie via le col du Montgenèvre pour rejoindre Cesane (Cesana Torinese), petite village qui accueillit en 2006 les épreuves de biathlon, de bobsleigh, de luge et de skeleton des JO de Turin.

C’est de là que démarre notre périple. La mise en route est rapide à la faveur d’une assez longue descente entre-coupée de petits talus jusqu’à la sortie de Suse. Nous quittons la route principale et la pente se redresse immédiatement et de manière significative ! Aucun temps mort, l’entrée en matière est violente. C’est donc parti pour 18,6 km de long, plus de 1 700 m de dénivelé positif et une pente moyenne de 9,1 %.

Les premiers kilomètres du Finestre s’effectuent sur une petite route asphaltée où les virages serrés s’enchaînent les uns aux autres. On évolue sous un couvert végétal dense offrant parfois quelques trouées sur la vallée. L’ambiance est moite, entretenue par la fameuse « nebbia », ce brouillard qui accroche les cimes piémontaises en puisant son humidité dans la plaine du Pô.

Si la pente est raide, elle demeure toutefois très régulière permettant ainsi de trouver « facilement » le bon tempo pour grimper jusqu’au portique qui annonce l’entrée sur le « sterrato », ce chemin de terre si caractéristique donnant à cette ascension l’aspect du cyclisme de jadis, une touche épique qui ramène aux exploits des champions du passé même si le Finestre n’a été emprunté par le Giro qu’en 2005 pour la première fois. On a tous en mémoire le dernier passage de la course à la maglia rosa en 2018 qui a vu Chris Froome écrire l’un des plus incroyables chapitres de l’histoire du Giro.

Col de Verde

Une fois le sommet atteint, nous poursuivons notre périple en direction de l’Assietta, sur une route goudronnée dans un premier temps qui laisse ensuite la place à la fameuse piste qui va nous conduire jusqu’à Sestrières. Pendant près de 40 kms nous évoluons quasiment seuls au monde longeant une ligne de crête passant par moins de 8 cols à plus de 2000 m ! Un rêve pour tout chasseur de col qui se respecte même si certains se passent en descente.

Corse

La nebbia demeure bien présente et maintient une température idéale pour pédaler aux alentours d’une quinzaine de degrés. Par moment, elle disparaît, laissant apparaître des cimes encore enneigées. Superbe spectacle. Je prends un plaisir indescriptible même si je ne suis pas toujours à mon avantage vis à vis de Dominique et Jean-Yves dans les portions en descente où mon cerveau semble rester bloqué à ma chute sur le BikingMan AURA.

Une dernière descente de près de 7 kms nous ramène à l’entrée de la station de Sestrières puis, nous empruntons la route pour rejoindre notre point de départ à Cesane après un peu plus de 110 kms et un dénivelé positif qui dépasse les 3000 m !

Parpaillon : final en apothéose

Après une bonne nuit (chaude !) chez Dominique à Embrun, David nous rejoint et nous partons à 4 pour aller conquérir le Parpaillon. En guise d’échauffement, Dominique a prévu de faire le tour du plan d’Embrun. Chacun apprécie à sa juste valeur cette mise en jambe en douceur car dès que l’on va traverser la route venant de Gap, les temps de répit seront comptés !

Dominique a opté pour une approche du Parpaillon par un flan de crête via le village des Orres. Le soleil commence à chauffer nettement. Mais heureusement, l’eau ne manque pas !

calanques de Piana

Au fur et à mesure que l’on se rapproche du pied du Parpaillon la température augmente et le thermomètre dépasse les 30 degrés. Le paysage est somptueux et ce n’est qu’un début…

Nous arrivons enfin au pied du mythe après 50 kms, au Pont du Réal peu après la Cabane des Espagnols, là où la piste R1 prend le relais de l’asphalte. Le spectacle peut alors commencer ! Et quel spectacle ! Car pour se hisser tout là haut à 2637 m d’altitude face à l’entrée du tunnel construit par les troupes du génie militaire en 1911, nous allons en prendre plein les yeux et plein les mollets.

A l’instar du Finestre la veille, nous sommes au pied d’un géant, pour ne pas dire d’un monstre comme en attestent les chiffres : 8,8 km, 778 m de D+ et 9% de pente moyenne sur une piste relativement correcte jusqu’à 3 km du sommet puis nettement plus technique ensuite.

Juste à la sortie du pont, avant que la route ne se redresse, la dernière occasion de faire le plein des bidons n’est pas à négliger et nous ne privons pas de faire quelques pas pour y aller afin de sécuriser notre ascension.

Cette fois nous y sommes et on entre dans le vif du sujet sans réelle transition. La piste se redresse brutalement et on ose parfois regarder au loin car les premiers kilomètres sont assez rectilignes et donnent l’impression de buter dans un mur. Fort heureusement, la piste est en très bon état, permettant même de relancer en danseuse sans patiner de la roue arrière.

On s’élève progressivement au dessus de la forêt de mélèzes et un panorama exceptionnel nous fait face. Grandiose, féérique. J’éprouve une immense émotion à me retrouver dans un tel décor. Je ne progresse pas très vite, mon compteur peine à se maintenir à 10 km/h mais paradoxalement, je n’éprouve pas l’impression de subir la pente. Comme la veille, nous sommes quasiment seuls. Nous croiserons à peine une dizaine de motos, prenant soin de s’arrêter pour éviter de nous noyer dans un nuage de poussière. Quant aux cyclistes, ils se comptent sur les doigts d’une main… Le Parpaillon nous appartient ! Quel bonheur de pouvoir évoluer en ce haut lieu. Le temps semble comme suspendu et je savoure chaque mètre qui me sépare du sommet.

Les 3 derniers kilomètres demandent un peu de « pilotage » car la belle piste sur laquelle on évoluait depuis le pont du Réal prend fin. La pente elle, ne faiblit pas !

Il faut attendre d’être à moins de 1 km du tunnel pour enfin l’apercevoir de manière furtive car il disparaît aussitôt masqué par le relief. Un dernier effort sur 500 m à près de 10% et on débouche enfin sur l’immense plate-forme qui marque la fin de cette ascension hors norme. Difficile de décrire ce que l’on ressent une fois là haut dans un décor aussi grandiose.

Ainsi s’achève ce week-end XXL. Un week-end placé sous le signe de l’amitié, de la complicité, du partage d’une même passion et d’un même état d’esprit. Un week-end qui répond au besoin de liberté que je décrivais en début de saison, cette liberté de s’engager dans des conquêtes inutiles pour le seul plaisir de sentir le vent glisser sur son visage et de savourer des moments uniques ou le temps semble s’arrêter.

Merci à Dominique pour le programme de ces 2 jours et merci à Jean-Yves et à David pour votre état d’esprit et vos valeurs sportives et humaines que j’ai plaisir à partager avec vous.

Ma monture

Pour ces 2 parcours j’ai utilisé le Graxx de Origine Cycles équipé d’un pédalier Shimano GRX FC-RX600 (46 – 30), d’une cassette Shimano XT CS-M8000 11 vitesses (11 – 40) et d’un dérailleur Arrière GRX Shadow Plus RD-RX812 11 vitesses (chape longue). Les roues étant des Prymahl Vega A30 Pro montée de tubless Continental Terra Trail (40).

Traces GPX

Récit de :

Patrick GILLES

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