GravelMan Paris-Deauville : 350 km pour aller voir la mer

GravelMan est une jeune série d’épreuves cyclistes de 350 kilomètres, à la découverte d’une région française. Chaque événement est décliné sur une trace gravel et une trace route. Le départ est donné le vendredi matin afin de laisser 60 heures aux participants pour rallier l’arrivée avant le dimanche après-midi.

L’édition du GravelMan Paris-Deauville 2021 s’annonce riche en dénivelé avant d’apercevoir la mer. Avec 3500m de D+ répartis sur 25 côtes répertoriées, c’est un parcours exigeant sur le papier. A quelques jours de l’événement, le groupe whatsapp des participants est un concentré de motivation, d’excitation et d’appréhension. L’événement s’annonce convivial avant tout.

Une entrée en matière corsée

Départ du GravelMan à Paris

Bien que sortir de Paris en vélo soit rarement la partie la plus agréable, l’option choisie offre quelques amuse-bouches. Au départ du Bois de Boulogne à 6h00, le soleil se lève derrière les tours de la Défense. Les côtes de Saint Cloud, puis celle de la Jonchère et ses pentes à plus de 15% viennent rapidement réchauffer les jambes. A travers la belle banlieue des Hauts-de-Seine et des Yvelines, le parcours sillonne jusqu’à la forêt de Marly-le-Roi après une nouvelle côte de 2 km à 4,5%. La forêt de Marly le Roi voit une centaine de cyclistes traverser sa brume matinale, les traces route et gravel y partagent une petite section non asphaltée en forêt. Telle une forêt hantée, ses petits silex seront fatals pour une dizaine de pneus crevés, dès le kilomètre 20.

C’est à ce moment que je fais quelques kilomètres avec un responsable communication au sein de l’armée. Il s’est récemment acheté un Origine Trail, qu’il utilise pour ses trajets quotidiens et pour de longues aventures à vélo le week-end.

Arrivée à Maule, après la belle descente de la côte de Beulle, il est l’heure du premier selfie. Non, le cycliste n’est pas forcément narcissique, c’est le GravelMan qui a pour concept d’avoir dix checkpoints (CP) virtuels où les participants doivent se prendre en selfie. Ces photos sont ensuite partagées sur la groupe Whatsapp de l’épreuve et sur les réseaux sociaux. L’idée est de voir à quel point son visage se décompose au fil des kilomètres et des heures de selle. L’idée est amusante, le résultat encore plus !

C’est à hauteur de Maule, que je partage quelques kilomètres avec deux coursiers venus se lancer un défi, en fixie. Oui, en fixie. Sur 350 km et 3500M de D+. Ils ont le mérite d’attirer l’attention et de provoquer un sentiment de respect immédiat chez les autres cyclistes. En 47×17, ils montent les côtes à bon train pour garder une cadence suffisante et descendent tout en retenu pour garder le contrôle. Bien que très sympathiques, nos chemins se séparent au pied de la cathédrale de Mantes car nos rythmes sont différents. Un second selfie au kilomètre 63, et je repars seul.

La boulangerie providentielle

Tout cycliste ayant voyagé à vélo, connaît ce sentiment. Que vous soyez cyclotouriste, bikepacking, ultra-cycliste, vous connaissez cette quête de la boulangerie ouverte. Comme un chercheur d’or, vous guettez les façades des bourgs à la recherche d’une enseigne « Boulangerie-pâtisserie ». Lorsque les villages sont trop petits, il faut se contenter d’une église et d’une mairie, puis tracer sa route jusqu’au village suivant. Dix, vingt, trente kilomètres passent. Toujours rien à manger à l’horizon.

Soudain, un fronton avec un épi de blé et une baguette de pain. Le graal tant espéré. On freine, décale, prêt à s’arrêter, quand le rideau rouge de la devanture est tiré sur tout la hauteur de la porte, annonce la déception. Un petit mot scotché sur la porte vitrée indique « Fermée ». On recale, et on relance, le cœur aussi lourd que les jambes. 

Une demi-heure plus tard, dans un bourg si petit qu’on attend rien de lui, surgit un homme avec une baguette à la main. Je lui demande où est la boulangerie, il me répond en pointant du doigt le bout de la rue. La boulangerie est petite mais les étalages sont richement fournis. Une autre participante me rejoint devant ce qui nous semble être le paradis. Puis, un couple de participants s’arrête également, puis deux autres. Quelques instants plus tard, nous sommes une douzaine de cyclistes, novices ou habitués des GravelMan, attroupés aux abords de la boulangerie. On partage alors un moment de convivialité, en mangeant dans l’herbe.

Le compteur n’affiche que 120 kilomètres, mais nous sommes déjà bien rassasié par les 1400m de D+ avalés. L’entrée était tellement copieuse qu’elle n’a pas laissé tant d’appétit pour le plat principal. Je traverse un moment de flottement, de doute. Convaincu de faire la trace sur la journée, je calcule une hypothétique heure d’arrivée qui s’annonce de plus en plus tardive après le coucher du soleil.

Dans les méandres de la Seine

Le parcours suit les méandres de la Seine entre Vernon, le Val de Reuil, jusqu’à Elbeuf. Cette section, fort heureusement, est un peu plus roulante. Ce relief un peu moins exigeant et la pause boulangerie permettent de se projeter de nouveau vers l’avant. La route longe les falaises blanches de calcaire. Un paysage familier de celui de la Roche-Guyon, passé 3 heures plus tôt. Les petits villages adossés aux falaises sont charmants. 

Pour ponctuer cette jolie balade le long de la Seine, à Amfrevillaise-sous-les-monts, la côte des 2 amants avec ses 1,7km à 7,3% viennent donner de la hauteur. Ses quelques lacets et ses pentes feraient presque penser à la région Rhône-Alpes. Au sommet, un point de vue surplombe la vallée de la Seine et le lac des deux amants. Puis, à Romilly-sur-Andelles, c’est la célèbre côte Jacques Anquetil avec ses 2,5km à 5% qui vient changer l’allure.

 

Après de longs détours, la trace passe par la crête d’une colline aux abords d’Elbeuf, avant de plonger dans le centre-ville. Sur le pont qui enjambe la Seine, le panneau d’entrée de la ville sert de check-point au kilomètre 225 pour un selfie. C’est d’ailleurs ici que certains concurrents ont prévu de passer la nuit, avant de repartir plus frais le lendemain matin.

Entre 18h et 19h, il faut rester vigilant pour trouver une dernière boulangerie ouverte avant le couvre-feu. A 18h40, à 15 km du village suivant, je sais que c’est ma dernière chance. Je m’arrête pour refaire le plein d’eau, un soda pour refaire le plein de sucre, une pizza pour les calories et un cookie pour la route.

Les routes se vident progressivement. Le soleil baisse dans le ciel. La fin de journée approche, mais la route est encore longue. Je refais mes calculs et vise une arrivée vers 23h30, ce qui me fera rouler deux heures dans la nuit. Le plus dur semble fait. Le moral tient encore.

Pont-l’évêque, un fromage plus fort qu’il n’y paraît

Le pays d’Auge offre encore quelques belles surprises. Tandis que Deauville est affiché à 15 kilomètres, le parcours serpente sur plus de 40 kilomètres, amassant tous les dénivelés possibles de la région. Tandis que la nuit tombe, la route devient calme. La route du GravelMan se partage alors avec de nouveaux compagnons qui traversent la chaussée : lièvres, renards, blaireaux.

Dans un passage à 12% de pente, dans le noir profond, je mets pied à terre. Je n’ai plus la force d’emmener un 39×25 inadapté pour la longue distance. Je repars en travers de la route, en me demandant si j’arriverai à franchir ces reliefs de la vallée d’Auge.

Un final en fanfare sur les planches de Deauville

Comme la tarte normande en fin de repas, plaisir coupable, la fin de parcours est un petit extra de plaisir. Pas besoin d’appétit ou de force pour terminer la trace. Trouville-sur-Mer s’offre en contrebas de la vallée, son port, son Casino, le pont de Deauville, la plage et ses planches. En trois minutes, ce sont toutes les images dont on a rêvé depuis le crépuscule, qui apparaissent. En quelques coups de pédales, l’arrivée est là.

En arrivant, rien. C’est ça aussi la magie. Il n’y a pas de tapis rouge avec un speaker pour crier « You are an ironman » comme sur les célèbres triathlons. Il y a un camping, la nuit et le silence pour vous accueillir. Soudain, la très sympathique équipe d’organisation sort de son bungalow pour m’accueillir. On revit la journée en se remémorant les moments forts et faibles de cette longue, très longue journée de 14 heures et 36 minutes sur le vélo.

Une aventure GravelMan, qui en appelle d’autres

Arrivée du GravelMan à Deauville

Heureusement, la météo annonce un peu de soleil pour le reste du week-end. La plage sera un lieu bien agréable pour faire la sieste au soleil. Régulièrement, on garde un œil sur son téléphone pour suivre l’avancée GPS des compères d’aventure et pour venir les féliciter au passage sur le pont de Deauville.

C’est une belle aventure que ce GravelMan Paris-Deauville sur la journée. Une journée riche de ce que les aventures en vélo savent offrir de mieux, des beaux paysages, de belles rencontres, et quelques coups durs qui, une fois passé, font de biens beaux souvenirs à partager.

Récit par : Quentin GUIGNARD

Le vélo idéal

Pour un GravelMan, version route, le vélo idéal est un Axxome GT Ultra. Il s’agit d’un Axxome, avec tout ce que cela garantit comme performances et légèreté, mais adapté pour permettre la monte de pneus allant jusqu’à 32 et avec un poste de pilotage légèrement plus relevé, idéal pour la longue distance.

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